dimanche 25 avril 2010

Dans le 9e

Le petit vendeur de bouquets de lilas se dandine sur ses jambes pour tromper son ennui. Il porte les fleurs à ses narines, par goût peut-être, plus sûrement pour signaler au passant le plaisir du printemps. Il tend ses bouquets en penchant un peu la tête, en esquissant un sourire. Il porte un jean, des chaussures noires et un tee-shirt qui laisse saillir ses salières. La peau est brune, la langue inconnue - s'agit-il d'un Rom (dont ne cessent de se désolidariser les Roumains) ?

Le fromager range ses produits, nettoie sa boutique, et le poissonnier continue de ruminer son altercation de la veille avec un client venu faire du scandale (« J'ai été malade, je suis médecin, vous aurez affaire à moi ! »)

Des femmes sans âge, en jupes noires et jupons traînent leurs petites jambes sans conviction, un journal à vendre à la main, discutent un moment avec le petit vendeur.

Les Juifs sérieux, chapeaux noirs sur les têtes, papillotes au vent, fendent la foule de leur démarche pressée : maman, Dieu n'attendent pas.

Les touristes suédois, russes, espagnols, se posent un moment, font l'expérience souvent désastreuse des serveurs de café drapés dans le noir et le blanc d'une dignité sèche, finissent leurs verres, repartent main dans la main ou en grappes de jeunes filles.

Le visage du petit vendeur de lilas s'illumine soudain : un couple, les bras chargés des courses du marché, vient de lui acheter un bouquet.

Les vieux couples s'exaspèrent, braillent après les gamins en trottinette dans une matinée de lumière jaune et rose.