Je me suis assis par terre, près de la fenêtre. En quelque
sorte pas très loin des voisins non plus. La lumière était douce, rose dans le
presque soir. J’ai pensé à Hopper et je me suis dit que ça ferait une jolie
photo (à défaut de tableau), moi ou un autre, un type assis là, les jambes repliées
sur ses pensées. J’ai ressenti un grand vide à regarder les affreuses dalles de
lino collées autrefois à la va-vite et qu’il va falloir recouvrir d’autre
chose. J’ai regardé les murs. État d’usage. « Vous rigolez ou quoi ? ».
Un grand vide à ne pas savoir si je devais me réjouir ou
être consterné. Consterné. C’est plus petit, c’est plus cher (le déclassement
est vraiment une spécialité familiale) et l’empressement du vieux à louer cela
sans même un coup de pinceau est un peu désespérant : on peut me raconter
toutes les sinistres mésaventures des propriétaires avec des locataires
indélicats, je ne parviens pas à les plaindre. On ne force aucun propriétaire à
spéculer sur le prix du logement.
Nostalgie. Du passé et de l’avenir – on ne se refait pas. Malgré
tous ses défauts (il attirait l’eau mieux qu’une éponge – celle du dehors,
celle des voisins – et il a tout de même gelé à l’intérieur cet hiver), l’appartement
de la rue Saint-Marc va me manquer. Quoi qu’il pût s’y jouer, d’heureux comme
de tragique, il s’agit d’un lieu que je ne reverrai sans doute jamais, et la
mémoire souffre toujours un peu de ce qu’elle est contrainte d’abandonner dans
les lieux quittés. Rêverai-je autant de cet appartement que j’ai pu le faire de
celui de Montrouge ? Enfin, ce n’est pas si simple pour moi de revenir
dans cet arrondissement que j’ai tant fréquenté autrefois avec des amis aujourd’hui
dispersés. Ou dispersés.
Et puis tout de même, quelque chose m’a amusé, dont j’ai
parlé autrefois : j’habite encore en lisière, cette fois-ci du 11e
et du 20e, et tout près du Père-Lachaise qui est à sa façon l’un des
plus beaux parcs de Paris. En déambulant dans le quartier au hasard, j’ai
repéré quelques cafés où je sais aller bientôt vagabonder en attendant que * s’éveille
lorsqu’il aura dormi là…