C’était un hiver d’enfance. Dehors, les
feuilles ployaient sous le poids de la neige et je devinais les étendues
bleues qui crisseraient sous mes pas.
C’était un dimanche et, dans la touffeur
de la salle à manger qui réunissait la famille, un adulte proposa
d’aller dans la campagne pour, à ski, se faire tracter par le puissant
véhicule du petit ami d’alors de ma sœur.
Je passais l’après-midi chez mon ami Stéphane et ma sœur était venue me chercher pour me dire qu’on allait tous se promener.
On est parti chercher les skis au
sous-sol et mon père s’était tourné vers moi pour me dire : « Toi, tu
feras de la luge ». J’étais déçu, davantage : je voulais moi aussi faire
du ski. Je crois me souvenir que je me suis mis à pleurer et que j’ai
fait un caprice. La situation me semblait terriblement injuste – moi qui
osais si rarement manifester mes envies – et je croyais pouvoir faire
plier mon père. Il n’a pas cédé et a fini par me dire : « Puisque c’est
comme ça, tu restes ici. »
Je m’en souviens.
Je suis resté de longues minutes seul
dans le jardin à pleurer. De colère, d’humiliation, mais d’un chagrin
sincère aussi. Il me semblait que je venais de mesurer l’indifférence de
mon père.
Je crois me souvenir très précisément de
ce que j’éprouvais alors et si je comprends intellectuellement le refus
puis l’agacement de mon père, je conserve tout de même – aussi aberrant
cela puisse-il être – l’impression tenace, non pas d’avoir alors
démérité, mais de n’avoir pas mérité d’être inconsolé.
Ma mère était et est encore coutumière
du chantage affectif, et lorsque la scène tourne à son désavantage, elle
vous lance à la tête des choses abominables comme le font les enfants
quand ils veulent blesser les adultes. Quand je repense à cette
anecdote, je crains d’y déceler un trait de caractère de ma mère ; en
même temps, je comprends sa douleur.
J’ai rêvé la nuit dernière que j’étais dans le hall d’une étrange maison d’où partait un escalier à la Escher.
G. était là et il était question que
nous partions tous les deux en Espagne pour la journée. Cette
perspective me rendait vraiment heureux et il me semblait que la joie
était la même pour G. Je montais l’escalier, arrivé à la moitié, quand
trois jeunes gens se sont approchés de lui et lui ont chuchoté quelque
chose à l’oreille, en ricanant. G. a ri lui aussi et m’a lancé : « Tu
iras en Espagne sans moi. Je reste ici. » Je ne me souviens pas de la
façon dont j’ai manifesté mon désappointement, mais je me suis réveillé
comme désespéré : j’avais dû dire des choses terribles et je perdais
l’amitié de G. Il m’a fallu plusieurs minutes pour réaliser que ce
n’était qu’un rêve et, dans la journée, je me suis souvenu de cette
anecdote d’un après-midi d’hiver où j’étais resté à pleurer dans le
jardin.
La difficile décision que j’ai prise
voilà plusieurs jours et que j’ai mise à exécution hier soir, d’une voix
blanche, va sans doute provoquer quelques remugles et laisser remonter
les histoires du passé.
RépondreSupprimerah nos vieux démons, nos rêves qui reflètent nos peurs les plus tenaces...
je n'ai pas oublié ta mère (ni ton père!)
et G, je ne crois pas que votre amitié puisse un jour se défaire! je rêve aussi parfois que l'on n'est plus ami, j'ai eu ces peurs, je crois qu'elles sont partis à présent... mais quand on quitte quelqu'un, beaucoup de choses nous reviennent tel un boomerang... j'ai vécu ça aussi... grosses bises
Écrit par : Juliette | 08 octobre 2010
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ceci dit j'adore ton sen de la narration, on s'y croirait en cet hiver là... tu es très doué pour retracer tout cela... je suis certaine que tu vas y arriver avec "les menteurs" (enfin je sais ce n'est plus ce titre, j'ai retenu le nouveau!)
Écrit par : Juliette | 08 octobre 2010
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> Juliette : Merci... et bisous.
Écrit par : christophe | 20 octobre 2010