mercredi 1 juillet 2009

D'un couple de fous

J'ai revu ce matin cet amusant couple de fous que j'avais un peu perdus de vue, et dont le burlesque m'a souvent porté aux limites du fou rire. Elle, a une grosse trentaine d'années, les cheveux châtains coupés assez courts, et se cale invariablement contre la vitre. Mutique, parfaitement immobile, le regard en dedans. Lui, est un peu plus âgé, nettement dégarni, un peu grassouillet. Surtout, il est particulièrement volubile, parle sans interruption à sa jeune compagne d'une voix flûtée et sonore. Je crois n'avoir jamais vraiment compris ce qu'il lui raconte, à elle qui n'écoute pas, ou un peu. Ce matin, tout en parlant, il avait posé sa main bien à plat sur le sommet de la tête de la jeune fille. J'imagine que ce poids devait finir par être pénible, mais elle ne bronchait pas. Elle est patiente, je crois, ou ailleurs.

C'est toujours très amusant de voir la tête des passagers qui les découvrent pour la première fois. Beaucoup ont le sourire aux lèvres, cherchent une complicité dans un regard, manquent de rire - car, et je le dis vraiment sans méchanceté, ces deux-là sont vraiment très drôles - ; d'autres, bien plus rares, sont pris d'une gêne incoercible et cherchent littéralement à s'enfuir, dès qu'ils le peuvent, plongeant, en attendant, les mains dans un sac soudain profond ou le nez dans le journal.

La première fois que je les ai rencontrés, il y a peut-être deux ans, c'est sa voix à lui qui avait attiré mon attention. Puis j'avais vu le visage hilare de l'homme qui leur faisait face : tout en lui parlant, le bavard malaxait avec beaucoup d'énergie le sein gauche de la jeune femme imperturbable.

Scène de répétition générale à la clinique de La Borde,
avant la représentation annuelle de la pièce de théâtre

(Nicolas Philibert, La moindre des choses, 1996)