vendredi 30 décembre 2011

Le livre du père

Depuis quelques années déjà, mon père écrit ses mémoires. Pendant longtemps, il se livra à ce passe-temps avec toute la nonchalance qui le caractérise, écrivant quelques pages à l’occasion, écrasant malencontreusement les fichiers, égarant les textes… Je le sens aujourd’hui davantage menacé par le vieillissement, angoissé par les trous de mémoire, inquiet de ce qu’il va nous laisser, soucieux de livrer sa version des faits, de se justifier peut-être. Il me donne régulièrement ses textes à relire avec l’alibi de l’orthographe, mais il le fait surtout, je crois, pour pouvoir discuter avec moi de ce que dit son texte. De ce qu’il ne dit pas.
Lire ce que furent son enfance et son adolescence, décrites avec le ton léger qui est le sien, m’amuse gentiment. Bien que tout ne fût pas toujours facile, que sa mère eût bien peu d’argent, tout est très largement passé au prisme d’une nostalgie joyeuse : les espoirs de l’après-guerre malgré les difficultés économiques, les jeux de l’enfance avec les copains dans une campagne à la limite du chromo, le Journal de Spirou, Tintin, la pêche et les lance-pierres ; puis le rock américain, les bals, les premiers émois amoureux, les vacances en vespa… Tout son texte semble suivre une ligne directrice assez imparfaitement assumée, celle des sentiments amoureux, dégageant une idée qui m’est familière de longue date : mon père est un homme incroyablement sentimental et romanesque.
Au restaurant, peu avant Noël, il m’a expliqué que son récit allait à présent aborder la rencontre avec ma mère et les longues, très longues, années qui ont suivi. Je l’ai senti tâter le terrain, essayer de savoir jusqu’où il pourrait aller dans la confidence, car son texte n’ambitionne absolument pas la publication (cela le dédouanerait alors d’à peu près toutes les responsabilités…), mais n’est destiné qu’à ses enfants. Il s’agit bien de l’écriture du roman familial, celui qu’il finira par nous transmettre à ma sœur et à moi. Je l’ai senti tenté de tout balancer, quitte à en faire des tonnes, rappeler que c’est pour nous qu’il s’est sacrifié en ne demandant pas le divorce avant notre majorité, faire de notre mère un dragon hystérique, gommer systématiquement les jolis aspects de sa personnalité. Enfoncer le clou. Se donner le beau rôle. En somme, redevenir le héros de sa mère dans cette famille qui ne comptait aucun homme – du moins jusqu’au retour inopiné, des années après, de son père.
Quand j’étais petit, je voyais assez peu mon père, à tel point que j’ai même quelques souvenirs de l’étrangeté qu’accompagnait parfois son entrée dans la pièce où je me trouvais. Il était toujours en déplacement et quelquefois ne rentrait pas même du week-end. Et lorsqu’il était là, il passait une grande partie de son temps dans l’atelier qu’il s’était aménagé à côté du garage, ou alors dans le jardin, ou alors dans son bureau. Pour autant, il n’était pas véritablement froid, ni même autoritaire, et je ne crois pas avoir jamais ressenti que je pus l’encombrer d’une quelconque façon. Simplement, il y avait – il y a – chez lui une forme d’absence, comme si son esprit était toujours, partiellement au moins, ailleurs. Qu’on ne se méprenne pas : j’aime mon père. Je l’aime pour ses qualités et pour ses défauts, pour son humeur étale comme pour ses manipulations parfois infantiles. Je l’aime pour l’inquiétude qu’il a manifestée ces derniers mois et pour son égoïsme naïf ; mais il y a comme un malentendu persistant entre nous : nous ne sommes pas sur le même plan.
Cela s’est produit un dimanche après-midi. Je devais alors avoir 16 ou 17 ans et, en quelques heures, à mesure qu’il me confiait pour la première fois ses difficultés matrimoniales, la distance qui existait déjà entre lui et moi, par intermittence, s’est figée et, quelque part en moi, se décidait que cette distance-là serait désormais dédiée à l’intellectualisation. De fait, elle n’a jamais été véritablement réduite depuis. Un plan différent, donc : lorsqu’il me parle, il me donne parfois l’impression de s’adresser à un copain de régiment, ou de chercher mon assentiment. De mon côté, je l’écoute volontiers, lui donne mon avis lorsqu’il me le demande, essaie de dissimuler les rictus qui naissent à la commissure de mes lèvres lorsque je le surprends en flagrant délit de mensonge amoureux. En contrepartie, et il le sait, il le pressent tout du moins, il n’est pas autorisé à porter le moindre jugement sur ce qu’est ma vie, ce qui m’a autorisé à répondre sincèrement à ma sœur, autrefois, que je me fichais bien de savoir qu’il avait eu du mal à accepter ma sexualité.
En me parlant de son texte et des craintes qu’il avait quant à la réception qu’en aurait ma sœur, je lui ai dit que pas plus qu’elle je ne tenais particulièrement à apprendre certaines choses, que nous en savions déjà beaucoup, et depuis longtemps, qu’il ne pouvait s’attendre à ce que nous encaissions tout de même tout – ou alors qu’il pouvait abandonner certaines portions de son texte au posthume. « Au moins avec toi, on peut en discuter, alors qu’avec ta sœur… » J’ai pris la défense de ma sœur, comme je le fais toujours lorsqu’il reprend cette antienne : j’ai défendu sa volonté farouche de ne plus se laisser envahir. Surtout, invitant mon père à ne pas être complètement dupe, je lui ai dit qu’elle et moi avions adopté – bien obligés – deux stratégies différentes pour supporter la situation, les non-dits, les fuites et les crises de larmes : j’avais choisi d’intellectualiser autant que possible nos relations, ce qui semblait nous convenir à l’un comme à l’autre ; ma sœur, quant à elle, s’était abandonnée à une autre forme de distance, beaucoup plus concrète, pour se préserver. Je crois qu’elle a davantage souffert que moi de son enfance dans ce couple qui n’a jamais eu beaucoup de sens, avec le poids d’une responsabilité dont nos parents n’ont jamais véritablement cherché à la délester : c’est enceinte que ma mère s’était mariée.
Avec son talent d’illusionniste, il a évacué cette conversation qui menaçait de l’entraîner sur un terrain désagréable en me disant, tout sourire : « Je suis étonné que tu n’écrives pas », oubliant que non seulement j’avais écrit un mauvais roman à l’âge de 19 ans, mais qu’en plus je le lui avais donné à lire. Je m’en suis tiré moi aussi par une pirouette exécutée dans nos rires : « Ne t’inquiète pas, je vous réserve un chien de ma chienne ! ». Tu parles…

lundi 19 décembre 2011

L'errance des sentiers

À rebours peut-être des errances psychogéographiques proposées par les situationnistes, je m’obstine quotidiennement à tracer le sentier de ma récupération, à écouter mon souffle et ses crispations, à jauger mes envies de m’arrêter.
Ce matin – je crois qu’il est un peu plus tôt que d’habitude –, il n’y a encore personne dans le passage ; même les touristes, pourtant lève-tôt, n’ont pas investi les lieux, et descendent encore mollement les escaliers de leurs hôtels, farfouillant dans les sacs à dos pour trouver la carte de la ville. Jolie lumière du passage, un peu trouble et scintillante toute l’année – un peu plus encore en période de fêtes –, et qui ne laisse pas deviner l’intensité du ciel, d’un bleu qui, comme aujourd’hui, sait être si pur à Paris, et qui nous ferait presque oublier les coutumiers ciels de novembre, ces ciels gris qui flottent à peine au-dessus de nos pas, qui pèsent si lourd sur les visages et les épaules.
Le bébé cadum, restauré, fait son guignol avec sa tronche de premier de la maternelle. Il sent le verre de lait distribué par l’instituteur et les vaccins à la chaîne. Il dégage une douceur de chair à canon, ce bébé presque effrayant comme peuvent l’être les angelots de cimetière figés pour l’éternité.
Et sur le boulevard, large et confortable, tous les rythmes de pas, et moi remontant le courant qui déverse du métro les travailleurs du tertiaire – costumes de tous prix, petites tarlouzes hautaines qui marchent comme leurs héroïnes avec des gueules de winners, cadres pas moins désespérés, dames à l’air revêche (têtes de chefs – tout est dit), d’autres qui traînent la patte, font durer le café et la cigarette, et auxquels j’adresse mes sourires.
Et puis une étrangeté : l’absence du vieux monsieur barbu que je crois iranien ou turkmène, qui a abandonné momentanément ses affaires sur le trottoir.
Plus loin, je m’arrête un instant. Le souffle est bon, mais j’aime bien ces arbres dénudés morcelant le ciel ou bien l’empêchant de tomber sur la toute petite place qui accueillera, un peu plus tard dans la journée, la misère du coin, qui se chauffe près des bouches de métro, et se rince le gosier – pépie terrible quelle que soit la saison – vautrée sur les bancs disputés aux pigeons, pigeons qui squattent encore, pour l’heure, l’entrejambe de la porte Saint-Denis sans plus craindre son lion ridicule avec sa gueule de vampire. Qu’on aimerait les détester, ces rats volants, mais comme ils font pitié à cause de leurs pattes estropiées et de leur air définitivement con quand ils marchent.
Premières véritables odeurs du monde des vivants qui s’échappent des épiceries aux étals impeccables.
Je devine qu’aujourd’hui je vais être contraint de ralentir un peu au niveau du square Alban-Satragne, là où gît d’habitude un autre vieux monsieur barbu, enroulé dans sa couverture, non loin de cette curieuse bourse de la misère où les Roms se retrouvent, le matin et le soir, bébés dans les bras, regards misérables suspendus, chiens en bandoulière, béquilles en vrac. « Moi, c’est les chiens que je plains », m’a dit l’autre jour ma mère, lors de son dernier passage à Paris. Je n’ai rien répondu cette fois, parce que reprendre inlassablement cette conversation, c’est accepter Sisyphe. Et puis je suis confiant : un jour, je la pousserai dans le canal et ça ira bien comme ça.
Selon les jours, le temps, la force, je prends le boulevard Magenta ou je poursuis mon ascension de Saint-Denis. Selon mon moral aussi : à un certain endroit de Magenta, j’ai pensé deux ou trois fois à Juliette, sans bien comprendre le rôle joué par le paysage, par le contenu des boutiques ou le jeu des ombres sur le trottoir – est-ce que l’on sait –, mais c’est devenu depuis systématique : un réflexe pavlovien comme une brûlure. Cette fois, j’ai envie des odeurs épicées mêlées d’encens que je sais retrouver au-dessus de la gare du Nord. Tiens, aujourd’hui, il n’y a pas non plus ce jeune type à la tchatche incroyable et à qui j’ai laissé ma monnaie l’autre jour, en me disant que la situation était devenue à ce point intenable que j’en arrivais à culpabiliser de donner à un peut-être plus « armé » que d’autres. Il avait quelque chose d’un prince en exil.
Les marchands indiens commencent à installer les fruits et les légumes les plus étranges, qui resteront là avec leur mystère : je me refuse à en savoir davantage, et les hommes s’agitent, rangent ou déballent les machines à coudre dans les boutiques de saris (Joss, la plume qui vole, c’est pour vous) qui m’iraient si bien si je consentais à m’épiler, toutes ces couleurs qui, à l’instar des odeurs, sauvent véritablement ce quartier. Là, à regarder cette rue qui prend vie dans le matin, j’ai la certitude qu’il s’en est fallu de peu que le quartier sombre comme bien d’autres : ici aussi les Dabit sont morts, les petites usines ont fermé et les artisans ont abandonné leurs établis. Mais il y a les coiffeurs concentrés qui attendent les clients en rêvassant devant les affiches de cinéma connues par cœur, les Hrithik Roshan et les Aishwarya Rai, de quoi rêvasser jusqu’au métro Chapelle, et même au-delà, dans ce presque no man’s land où les voies de chemin de fer, le vent glacial du boulevard, les souvenirs du bled s’enchevêtrent et enserrent le petit square anatopique tout droit venu de Pripiat, désert pour l’heure, mais bientôt lui aussi investi d’autres pauvretés. Ce matin sur Yahoo, en commentaires à l’article sur la noyade de 300 ou 400 migrants qui espéraient rejoindre les côtes australiennes, on pouvait lire « Bon débarras », « Les Australiens sont plus chanceux que nous » ou « Bon appétit aux requins ». Envie de dégueuler mon petit-déjeuner et c’était bien fait pour moi.
Mes pensées s’apaisent : les voies ferrées me font parfois cet effet, avec leurs lignes pures et rythmiques qui strient un paysage qui dit le labeur et la sueur bicentenaires, qui dit aussi les révoltes adolescentes griffonnées sur les murs. Au loin le Nemrod : il y en a un dans chaque quartier, dans chaque ville de France et de Navarre. Autrefois, Greg et moi avions fait le pari de ne dormir, en voyage, que dans des hôtels ayant pour nom Le Coq hardi, à peu près aussi nombreux. De sacrées surprises parfois. Celui-ci nourrit ma sympathie sans raison véritable. Est-ce parce qu’il a des allures de résistant dans ce quartier où frappent les éventrations immobilières ? Est-ce parce qu’il est toujours un peu désert ? À cause de sa décoration intérieure entraperçue par la vitre ? Tout cela à la fois, et son emplacement : il est au croisement de deux rues et je crois bien que tous les cafés qui ont véritablement compté dans ma vie étaient à des angles : c’est là qu’on y rencontre le diable.
Quelques vieux déambulent rue de Chartres, le couvre-chef au vent et le regard pareil, en rejoignent d’autres, attroupés au pied d’un immeuble et qui discutent avec agitation, mais une agitation comme intérieure, presque sage, davantage que dans le cas des quelques jeunes qui, au métro Barbès, tiennent le plus grand bureau de tabac à ciel ouvert, avec les stocks dans de petits sacs en plastique à peine planqués sous les bagnoles.
Encore quelques mètres à grimper jusqu’au métro Anvers. De là la pente est douce, qui me mène dans cette partie si sage du 9e arrondissement, au bas de la rue Turgot, dans ce petit café que j’aime pour la serveuse si charmante, pour sa terrasse chauffée qui sent bon le tabac, pour ses habitués – la dame un peu âgée qui abandonne quelques heures chez eux son mari impotent, cet homme jeune qui se traîne des sacs de pharmacie aussi lourds que les miens, quelques-uns qui sont sages tout comme moi, plongés dans leurs lectures ou dans l’écriture, petit café si sympathique dans la semaine, mais envahi le week-end par tout ce que le quartier compte de bobos à poussettes – Clémentine et Garance qui courent en tous sens…
Un allongé, puis un autre, quelques pages noircies, quelques rêvasseries aussi – bras qui m’enserrent, blanc du cou que j’embrasse (vous n’en saurez pas davantage), avant de reprendre nonchalamment le chemin qui me conduira, en pente douce toujours, jusque chez moi.


dimanche 18 décembre 2011

Les ennemis

Je ne crois pas avoir d’ennemis – contrairement à ce que peut suggérer le contenu manifeste d’un rêve fait il y a quelques jours et qui se terminait par une exécution en règle (une balle dans la tête, la mienne).
Mais si je me pose tout de même la question de l’ennemi, c’est alors immédiatement le souvenir d’Alexis D., un petit garçon de mon école primaire, qui me revient en mémoire, et ce, alors même que les raisons de notre animosité réciproque sont perdues de longue date. Peut-être s’agissait-il d’une incompatibilité chimique ou d’un principe primaire de quotas : il fallait bien se trouver dans la classe au moins un ennemi, histoire d’avoir un exutoire dans cette microsociété catholique qui nous parlait d’amour et d’amitié comme des seuls sentiments véritablement autorisés. Alexis reste celui avec lequel je me suis battu : nous étions en rang deux par deux à l’entrée de la classe et il était derrière moi. Un mot, un seul, oublié depuis, a provoqué ma rage. Mais au fond, cela ne pouvait pas ne pas arriver : il était mon ennemi et j’étais le sien, et nous nourrissions l’un pour l’autre une haine des plus outrées, des plus romanesques, des plus archaïques également, et il aurait tout aussi bien pu être question de duels, de dague, de poison, de complot… Pour autant que je m’en souvienne, cette détestation n’était aucunement exempte d’hypocrisie, car il y avait des trêves, le temps pour chacun de compter ses alliés et de se donner les moyens de quelque ultime vérification – est-il vraiment détestable ? Oui, il l’est –, le temps de pactes de non-agression. Nous allions alors chez l’un l’autre pour les anniversaires, et je me souviens d’une sortie avec mon ami Bertrand et lui sur les bords de Seine. C’est d’ailleurs à l’occasion d’un de mes anniversaires qu’il est tombé dans le bassin aux poissons rouges. Sa mère, hystérique, l’avait extirpé de l’eau pour lui coller une baffe magistrale que j’avais pris soin d’immédiatement graver dans ma mémoire – pour sûr, les beaux vêtements étaient mal en point, de même que sa dignité, et c’est en slip qu’il était reparti, le bras sur le point d’être arraché par sa mère qui le traînait en vociférant. Je ne sais pas ce qu’il est devenu : il fait partie de ces camarades qui ont disparu sitôt que la cloche a sonné sur la dernière journée de CM2. Mais, plus de dix ans après, allongé sur mon lit avec Caroline P., et alors que nous feuilletions un album de mes photos de classe, elle s’écria, le désignant : « Ah, mais je le connais, lui, c’est Alexis ! Il venait souvent à la maison du temps où son père et le mien étaient amis. »

Après être resté quelques minutes éveillé, le temps de m’assurer que se dissipe complètement le réflexe d’un retour immédiat au cauchemar, je me suis donc rendormi, mais pour immédiatement plonger dans un autre rêve désagréable, impliquant justement Caroline – perdue de vue depuis des années. Elle avait organisé une grande fête dans la maison seine-et-marnaise de ses parents, une fête gigantesque qui essaimait de maison en maison, pour bientôt s’étendre à toute la rue. Je déambulais donc dans le quartier, de plus en plus éméché, à la vague recherche de ces gens que j’avais pu connaître autrefois… Mais, au lieu du plaisir ou de la gêne des retrouvailles, de la curiosité des routes parcourues, j’éprouvais, à mesure que je m’éloignais de la maison, une sorte de tension qui allait crescendo, et je me sentais de plus en plus menacé par un ennemi insaisissable et invisible, échauffé par l’alcool.
Quelques mois après notre rupture, la fin d’une relation plus que vacillante, de ces relations soigneusement bâties sur des fondations en sable, Caroline avait rencontrée K., un paranoïaque qu’elle m’avait présenté à l’occasion d’une grande fête que G. avait organisée. Je m’étais montré aimable, mais avait commis quelques maladresses – je n’étais pas supposé connaître l’appartement de Caroline –, à tel point qu’il avait déclaré, sitôt rentré, qu’il avait tout compris : je ne sortais pas avec G. Il ne s’agissait que d’une couverture : en réalité, je n’étais pas même pédé et je me « tapais » Caroline (« Pauvre G., lui avait-il dit, qui ne se rend compte de rien ! ») pendant que lui passait du temps en prison, séjours renouvelés du fait de ses activités professionnelles à haut risque de vendeur de (très mauvaise) héro. Il m’avait donc obligeamment prévenu qu’il allait venir me péter les genoux à la sortie du boulot, histoire de m’apprendre la vie et de me faire passer l’envie de coucher avec « sa femme », menace que je prenais suffisamment au sérieux pour « grave flipper ma race », car il semblait m’avoir identifié comme le grand Autre persécuteur. Ainsi devenais-je, malgré moi, l’ennemi unilatéral de quelqu’un, expérience tout à fait dérangeante.

Le mot « ennemi » recouvre une très grande variété de situations, au gré des adjectifs qui lui sont accolés : personnel, héréditaire, intérieur, intime… On pense en tout premier lieu à l’ennemi de l’extérieur (l’autre quartier, l’autre couleur, l’autre pays), collectivement désigné, par les autorités le plus souvent, sur la base de haines historiques et rances, lesquelles sont d’ailleurs soigneusement entretenues par des invitations plus ou moins appuyées à la vendetta ou à l’exercice de la loi du talion, mais aussi, à l’occasion sur la base d’une haine opportune et à l’arbitraire si ironiquement souligné par Orwell dans 1984 : les ennemis d’hier peuvent alors devenir des alliés – et vice-versa –, ruptures diplomatiques s’accompagnant de véritables dépolarisations.
Et comme chacun le sait : pendant qu’on déteste le voisin, on ne se déteste pas entre soi. Le psychologue Milgram s’était ainsi « amusé », à l’occasion d’un camp d’été, à dresser l’un contre l’autre deux groupes d’enfants, puis il les avait rabibochés à la fin du séjour en leur imposant une tâche qui ne pouvait être menée à bien qu’avec la participation et la coordination des deux groupes.
En grandissant, je crois que s’égare largement l’idée de l’ennemi personnel (recruté parmi les camarades de classe ou non) : on a quelques amis, beaucoup de personnes nous sont parfaitement indifférentes et quelques-unes franchement antipathiques. Mal luné, on souhaite parfois à ces dernières l’enfer sur terre, mais on peinerait à les qualifier d’ennemis, avec toute cette charge un peu mélodramatique parce que disproportionnée. En général « sombre connard » suffit. Et j’ai l’impression que c’est tout en mesurant la douce immaturité qu’il y aurait à se cultiver des ennemis.
Qui a des ennemis ? Pour partie, les bas de plafond, dont la vie intérieure est si terriblement réduite qu’ils sont contraints d’être dans la réaction primaire, renonçant même parfois à leurs propres élaborations émotionnelles au profit de celles qu’ils ont cueillies hasardeusement dans les feuilletons. Dans les bus, elles sont innombrables les Kevina des deux sexes qui braillent dans leur téléphone portable et évoquent en long, en large et en travers, leurs ennemies, souvent désignées par « c’te pute/bouffonne » auxquelles elles souhaitent les pires déboires, ourdissant pendant des heures les pièges terribles de leurs vengeances auxquelles devront par ailleurs participer copains, frères, ex’, tous la proie de trois mythes : rien ne vaut la transparence des attitudes et des conversations ; la vérité est une et indivisible ; et les relations humaines sont factorisables (au sens mathématique du terme) : les amis de mes amis sont… les ennemis de mes amis sont…
Mais quel adulte peut prétendre sans rire avoir des ennemis ? « Avait-il des ennemis ? », demande le commissaire à la veuve… Par principe même, le caïd – chez lequel on retrouve par ailleurs souvent des traits de personnalité paranoïaques ou hystériques – a des ennemis. Par jeu, par ennui, par sentiment d’importance : il faut être important pour avoir des ennemis. Le paranoïaque a un ennemi (parfois décliné en plusieurs), ceux qui se font tirer les cartes ont des ennemis (la dame de pique, perfide et envieuse, toujours collègue ou belle-sœur), ceux qui se gonflent d’une importance qu’on est suffisamment con pour leur accorder ont des ennemis. Plus on se hisse sur les cimes du pouvoir, plus le nombre d’ennemis se multiplie, parce que les enjeux deviennent de plus en plus importants, parce qu’on ne peut se hisser seul et qu’il faut se trouver des alliés, et, enfin, parce qu’on se hisse contre les autres. Et lorsque celui qui est tout en haut de la pyramide est lui-même paranoïaque, le pire est à craindre, car il imposera immanquablement à la nation tout entière l’idée d’un ennemi intérieur. Cet ennemi-là est insaisissable, mais il faut le saisir tout de même. De là les larges coupes que ce combat requiert, car mieux vaut élaguer large, l’ennemi pouvant se dissimuler derrière n’importe quelle figure de la familiarité : le père, l’épouse, l’enfant des voisins, l’ami révolutionnaire… Les régimes totalitaires se sont fait les tristes champions de cette quête fantasmatique d’une élimination des ennemis de l’intérieur, identifiés selon des critères si instables, si opaques, qu’ils autorisent là encore toutes les volte-face. Dans Ninotchka, il y a ce dialogue fameux :

     – Quelles sont les nouvelles de Moscou ?
    – Bonnes, excellentes : les derniers procès ont été une vraie réussite : il y aura moins de Russes, mais ils seront meilleurs !

dimanche 11 décembre 2011

Les Pénates



Je ne rêve jamais de la maison de mon enfance – formulation peut-être trop définitive qui signifie seulement que je ne m’en souviens jamais au réveil –, alors que je rêve encore fréquemment du studio que j’ai occupé autrefois à Montrouge, dans lequel j’avais emménagé en urgence, encore un peu dévasté par l’échec de ma première relation amoureuse et quelques autres déconvenues d’importance qui en auguraient d’autres… studio que j’ai quitté sans regret, croyant de surcroît, naïvement, pouvoir y laisser quelques vieilles peaux. J’y avais été amoureux, j’y avais pleuré sur mon sort parfois, en fumant des milliards de cigarettes sur le balcon, une bière ou un thé à la main, regardant partir l’amant, ou guettant son arrivée, rêvassant aussi, à l’occasion devant les silhouettes masculines qui passaient derrière les fenêtres de l’hôtel en face.
C’était un quartier un peu sinistre, un de ces quartiers comme on en trouve en périphérie, qui porte les stigmates d’un aménagement urbain élaboré à la va-vite, le plus souvent motivé par le seul appât immédiat de l’argent : j’ai vu s’écrouler quantité d’immeubles derrière ces immondes palissades vertes. Disparu le bar PMU tenu par un couple à la Cabu où j’ai écrit une grosse partie de mes mémoires de maîtrise et de DEA pendant que le linge tournait au Lavomatic, ce Lavomatic où parfois une clocharde venait, le temps du séchage, se poster à côté de moi pour lire mon livre. Disparue peut-être la pizzeria tenue par un vieux monsieur Égyptien chez lequel j’ai commencé l’écriture de ma thèse. Je ne suis pas certain qu’il me reconnaîtrait si j’y retournais, mais j’aimerais savoir qu’il va bien et que rien n’a altéré son regard si plein de gentillesse discrète. Retourner également chez l’épicier dont j’ai vu grandir les fils, bientôt fiers de leurs affreuses petites moustaches d’adolescents, l’épicier qui se mit à me dire au revoir la main sur le cœur quand il remarqua mon amaigrissement et mes sourcils devenus rares. Retourner, enfin, au Louisiane où j’ai abondamment écrit, tout en matant les fesses du patron, si joliment rebondies dans son pantalon, ce bar où chantonnait, dans une langue inconnue qui disait peut-être l’exil ou le corps des femmes, un monsieur noir, sans âge, qui échangeait quelques verres contre le lavage des vitres. En repensant à toutes ces figures de ma familiarité, j’éprouve une forme de tendresse inchangée, celle de la nostalgie qui est chez moi un réflexe indépassable, mais je peine à considérer cet appartement comme le lieu de mes pénates passés. Je ne crois pas y avoir apporté quelque dieu du foyer : jamais je n’ai éprouvé le moindre réconfortant soulagement en poussant la porte. Et pourtant, il s’agit du lieu habité qui revient, encore aujourd’hui, le plus souvent dans mes rêves. Mais certains indices m’autorisent à penser qu’il s’agit d’une sorte de foyer-écran…
Les Pénates désignaient chez les Romains, dans la continuité culturelle des Étrusques (je parle évidemment sous le contrôle de Calystee…), les dieux protecteurs du feu et du garde-manger, ceux que la lignée s’était choisie, et que l’on emportait avec soi en cas de départ. Je ne sais pas quels dieux s’étaient choisis mes ancêtres, ni à quels saints ils se vouaient, mais, dans la maison de mon enfance, je les célébrais à ma façon en rêvant de voir brûler un feu continuel dans la cheminée. L’hiver, je pouvais rester planté là des heures, quittant la lecture ou la télévision, pour voir s’effilocher les bûches en flammèches, guetter le craquement du bois – « un ver vient d’éclater », disait mon père. J’aimais ce feu qui annonçait la famille réunie : le froid du dehors, qui n’était qu’hostilité sans la neige, précipitait le dimanche les uns et les autres auprès de lui. Mais, j’en ai conscience, il s’agit là d’images d’Épinal propres à l’hiver de l’enfance, la cheminée comme un de ces petits lieux symboliques qui fixent les souvenirs. 
Le cœur véritable de la maison, de l’intérieur de la maison, le croisement de ses forces, a toujours été pour moi la petite chambre bleue de l’étage destinée aux invités. Son style ancien, voire vieillot à cause de tous ces meubles qui dévalaient de l’arbre généalogique, les objets anciens qui composaient – peut-être un peu artificiellement, mais je n’en avais nullement conscience à l’époque – le décor, tout cela impressionnait mon imagination, et je me demandais parfois, comme halluciné, si cette pièce ou la force brute, presque archaïque qu’elle dégageait, n’étaient pas antérieures à la maison elle-même. Par ailleurs, et j’en étais intimement convaincu, elle était en connivence avec d’autres lieux des environs, tissait avec eux un maillage serré. Le puits, tout d’abord, qui réunissait en un même lieu du jardin toutes les bienveillances et tous les dangers du monde… les dangers surtout : quand on se penchait un peu dangereusement, on voyait flotter à la surface de son eau glauque toutes les histoires d’enfants noyés ailleurs, dans d’autres familles, dans d’autres villages. 
Au-delà du jardin, je crois l’avoir déjà dit, il y avait la rivière, source elle aussi d’histoires terribles et édifiantes supposées écarter de moi la menace et restreindre mes audaces, et qui ne faisaient que nourrir ma fascination et mon attention rêveuse : surveiller aussi bien l’apparition des ondines que les longs cheveux noirs des femmes noyées qui descendaient le courant. Bachelard, le saint patron de ce texte, disait que l’on ne guérissait pas des rêveries au bord des eaux stagnantes… sans doute le cours de cette rivière n’était-il pas assez tumultueux pour emporter avec lui les petites peines, les petites vexations que je venais abandonner comme des offrandes.
J’en suis certain, ces lieux (la chambre bleue, le puits, l’embarcadère où je m’installais pour contempler la rivière et où l’on m’avait retrouvé endormi, enfant) constituent des sortes de points de contact, d’une certaine manière, entre l’intérieur et l’extérieur – Gilbert Simondon parlerait peut-être de réticulations entre nos métastructures psychiques et ces lieux de forte charge symbolique. De ce point de vue, certaines pièces de la maison ont pu ainsi finir par se charger négativement – au sens électrique du terme. Ainsi la chambre de mon enfance, devenue le bureau de mon père lorsque j’ai migré dans celle que ma sœur abandonnait, a fini par incarner l’espace protecteur sur le point de céder aux attaques extérieures, l’espace du cauchemar récurrent : la menace d’une agression, d’une profanation opérée par des hommes qui venaient du dehors. Un visage menaçant se figeait derrière la fenêtre, un autre attaquant à la hache la porte fermée à clé, moi recroquevillé sous le bureau en bois de mon père, un rêve dont les motifs ont pu me faire croire un temps à la réminiscence d’une agression refoulée. Plus vraisemblablement, il s’agissait de l’élaboration d’une autre menace, bien réelle celle-là : la destruction de la maison non pas dans ses pierres, mais dans son ordre, ce qui finit par arriver lorsque mon père et moi dûmes attaquer à la hache la porte qui menait à la chambre bleue – le sanctuaire de mon imaginaire – pour y retrouver un membre de la famille recroquevillé comme un animal, et en larmes, sous le lit.
Cette maison avait été celle d’une enfance peut-être trop secrète pour être véritablement insouciante – mais elle avait été heureuse tout de même, parce qu’elle avait accueilli tous les possibles de l’aventure : les promenades en barque dans le jardin inondé avec mes cousins, la cave effrayante peuplée de ces insectes qui n’aspirent qu’à vous dévorer, le grenier où s’entassaient, étranges, les reliquats de vies d’avant.
À l’adolescence, elle a pu à peine me protéger – mais sans doute rien ne peut protéger contre l’implosion, l’effondrement sur eux-mêmes de petits compartiments de votre personnalité.
Avec le départ définitif de mon père, je n’ai pu qu’admettre que, bien davantage que je ne l’aurais imaginé et en dépit de ses absences de toujours répétées, il avait contribué à la force structurante de la maison. Sans lui, le noyau redevint fissible, soit que mon père ait emporté les Pénates dans sa fuite, soit que ma mère les ait chassés : dans ses accès de rage, elle maudissait la généalogie qui m’avait donné mon nom et tout ce qui allait avec. Les Lares eux-mêmes, qu’elle ne nommait pas, dont elle ignorait peut-être même l’existence, étaient tacitement honnis : elle rêvait à la destruction de ce puits, elle haïssait la rivière… Cette maison lui devint peu à peu intolérable et un beau jour, elle nous annonça qu’elle la vendait aux voisins. Je me suis longtemps cru autorisé à lui en vouloir. Et pourtant, avec sincérité, avec le temps, je me rends compte que cette maison n’était plus la nôtre, que si nous avions dû la conserver, elle serait devenue une de ces maisons telles que décrites par François Vigouroux (L’Âme des maisons), le sépulcre d’inconscients familiaux erratiques qui finissent par avoir votre peau et qui en d’autres temps sont dites hantées ou maudites.
Reste que si j’ai abandonné les Pénates à mon père, avec notre nom de famille et mes gènes, au prix, peut-être de ne me sentir chez moi véritablement nulle part, je regrette quelques-unes de ces petites divinités qui peuplaient la maison de mon enfance. Mais on le sait : on n’emporte pas avec soi les Lares qui restent attachés aux lieux. J’espère qu’ils ont pu trouver des enfants aussi seuls et attentifs aux oreilles desquels murmurer leurs contes immémoriaux.

Commentaires d'origine

Voilà un joli texte qui sent le feu de bois et le plancher ciré. On peut tous y retrouver quelque chose de nos propres souvenirs.
Écrit par : Jay | 12 décembre 2011
> Jay : Oui, je crois que d'autres peuvent s'y retrouver (le plancher ciré dans ton cas ?). Peut-être voulais-je aussi évoquer les archétypes...
Écrit par : christophe | 12 décembre 2011
 ce matin mon réveil a interrompu un rêve au cours duquel - suite à une inondation inexpliquée - je suis venu me réfugier dans la maison de mes parents. Dès les premiers instants d'éveil j'ai pensé à ton billet avec cette évidence : cette maison reste quelque part en moi le théâtre des choses qui perdurent et qui rassurent.
Et pourtant, factuellement, il n'y a pas grand-chose qui n'y ait pas changé.
(j'aime beaucoup la musique que tu as choisie)
Écrit par : joss | 12 décembre 2011
 
Très, trop souvent, je me réveille en ayant rêvé de la maison de mon enfance dans laquelle je me suis beaucoup ennuyée et où je me suis sentie plus seule que jamais.
C'est très étrange comme ton texte me parle, à rebours.
Le morceau est très chouette. Tori Amos?
Écrit par : Georges | 13 décembre 2011
> Joss et Georges : Il s'agit de Tori Amos. Et je voudrais juste vous citer cet extrait : "A quoi servirait-il, par exemple, de donner le plan de la chambre qui fut véritablement ma chambre, de décrire la petite chambre au fond d'un grenier, de dire que de la fenêtre, à travers l'échancrure des toits, on voyait la colline. Moi seul, dans mes souvenirs d'un autre siècle, peux ouvrir le placard profond qui garde encore, pour moi seul, l'odeur unique [...]. Mais j'en ai déjà trop dit. Si j'en disais davantage, le lecteur n'ouvrirait pas, dans sa chambre retrouvée, l'armoire unique, l'armoire à l'odeur unique, qui signe une intimité [...]. Vous voudriez tout dire sur votre chambre. Vous voudriez intéresser le lecteur à vous-même alors que vous avez entr'ouvert une porte de la rêverie. Les valeurs d'intimité sont si absorbantes que le lecteur ne lit plus votre chambre : il revoit la sienne. Il est déjà parti écouter les souvenir d'un père, d'une aïeule, d'une mère [...]."
Bachelard (Gaston) - La Poétique de l'espace. Paris : Puf, coll. "Quadrige", 2001 (1957), p. 31-32.
Écrit par : christophe | 14 décembre 2011
 c'est si juste. merci.
Écrit par : joss | 14 décembre 2011
 
Nihil obstat. Imprimatur.
Les Lares, les Pénates, la maison, la famille et Bachelard: tu me gâtes!
Écrit par : calystee | 14 décembre 2011

Merci... Je vais lire cette poésie de l'espace.
Écrit par : Georges | 15 décembre 2011

Il n'y avait pas de Lares dans la maison de mon enfance. Il n'y avait que des monstres, tapis sous le lit, dans les placards, dans la cave surtout.
Dans la cave, ils étaient horribles. Noirs, poilus, les yeux rouges, les doigts crochus, les ongles sales...
Mais dehors, dans le jardin, dans les champs, les prairies, je retrouvais tout le petit peuple, les fées, les elfes, les lutins. C'était magique. Chaque jour je volais du lait et je posais une soucoupe bien planquée sous le groseillier, pour qu'ils restent près de moi. Je leur ai tout raconté, je crois, même mes souvenirs oubliés.
Sourires.
Bises Christophe :)
Écrit par : Caly | 15 décembre 2011
> Calystee : Merci.
> Caly : Des monstres, il y en a eu aussi... Dans la cave, dans les placards, derrière les portes ouvertes. Et en plus, la cave pouvait à tout moment laisser couler du sang de ses murs (que soit ici remerciée ma sœur, plus âgée, qui m'avait raconté Amityville !)
Écrit par : christophe | 16 décembre 2011