- Décompensation hystérique : Vous avez décidé de vous offrir une « grande crise » (selon l’expression de Charcot), si possible chez un commerçant ou, mieux, dans le métro, puis vous tombez paralysé ou aveugle. On va vraisemblablement vous conduire aux urgences où vous pourrez frénétiquement alterner séduction offensive de l’interne (il a les yeux de votre beau-frère, mais est-ce une raison pour vous frotter ainsi contre lui ? sans doute que oui…), fous-rires et crises de larmes. Si vous n’êtes pas une femme, nulle inquiétude : contredisant l’étymologie du mot, l’hystérie masculine existe, en tout cas depuis cinquante ans. Si vous avez des origines méditerranéennes, l’éternel féminin remonte soudainement en vous : à l’instar de votre mère, vous cassez la vaisselle, vous vous roulez par terre dans les boulettes en disant que, puisque c’est comme ça, vous n’avez plus qu’à mourir. Si vous avez des origines nordiques, vous hurlez que le diable veut s’accoupler – une fois de plus – avec vous. Vous donnez des détails scabreux.
- Décompensation dépressive à dominante psychasthénique : Dehors, le ciel est noir, vous n’avez pas descendu les poubelles et l’intégrale des films de Bergman que vous avez commandée a été perdue par la Poste. Là, c’est le drame. Vous vous effondrez de l’intérieur et il n’est pas un seul souvenir un peu heureux auquel vous raccrocher. Vous avaleriez tous les comprimés que vous avez sous la main si seulement vous n’aviez pas honte par avance que les pompiers – dire qu’il faudrait ça pour qu’ils viennent enfin vous voir – vous retrouvent étouffé par votre vomi. C’est la dépression plus la honte (blessure narcissique majeure). Très dur à gérer au quotidien.
La psychose
Alors là, c’est du lourd. Cette structure mentale a fait elle aussi les choux gras du cinéma et de la littérature, que l’on songe à Carrie ou à Norman Bates dont les passages à l’acte sont fameux. Il importe toutefois de ne pas considérer Hannibal Lecter, Jason, Freddy Krueger, Chucky ou Alien comme des psychotiques.
Les angoisses à l’œuvre étant particulièrement effrayantes, une bonne connaissance préalable du cinéma d’épouvante est recommandée. Être réveillé en pleine nuit avec la certitude que votre corps est en train de se morceler requiert un minimum de préparation… Affronter les apparitions quotidiennes d’un rat volant – le véritable visage de Dieu – vous dictant les meilleures pages d’une nouvelle Bible et laissant entendre que votre famille veut vous éliminer, est là encore épuisant.
Les mécanismes de défense sont coûteux en énergie psychique – attendez-vous à finir sur les rotules –, archaïques (on les a tous utilisés avant l’âge de deux ans) et assez altérants : mais enfin, pourquoi s’échiner à s’adapter au monde alors qu’il suffit d’adapter la réalité.
Enumérer les différents mécanismes de défense à l’œuvre dans la structure psychotique serait fastidieux. Surtout, ce petit texte apparaîtrait alors trop visiblement pour ce qu’il est : une vaste escroquerie intellectuelle. Citons toutefois, à titre d’exemple, les mécanismes suivants :
- Clivage de l’objet : Vous avez 18 mois, vous ressentez quelque chose d’étrange, qui vient de l’intérieur (ou peut-être pas : vous ne savez pas ce qu’intérieur veut dire), quelque chose que vous appelleriez de la douleur ou de la faim si seulement vous n’aviez pas 18 mois. Parfois un objet rond apparaît, se colle à vous. Un liquide chaud vous apaise. C’est le « bon sein ». Parfois cet objet n’apparaît pas : c’est un salaud. Il est inenvisageable qu’il s’agisse du même.
- Déni de la réalité : Vous surprenez votre professeur d’aquagym dans une drôle de posture avec votre beau-frère. C’est plutôt gênant. Pourquoi admettre cette vision alors qu’il est si simple de la nier. Plus tard, dans la journée, vous aurez droit à une hallucination : Saint Kevin en train de chevaucher un dragon.
- Dédoublement du Moi : Vous êtes sexologue et plutôt voyeur des choses du sexe opposé, mais au fond, il ne faut pas vous la faire : vous savez bien que la différence des sexes, ça n’existe pas. D’ailleurs vous êtes en train d’écrire une longue lettre à l’Académie des sciences à ce sujet.
Il existe une grande variété de psychoses, certaines apparaissant, d’autres disparaissant au gré des modes et des substances que le gouvernement nous fait absorber à notre insu (l’eau du robinet…). Nous nous contenterons toutefois d’énumérer ici les différentes modalités de la paranoïa, véritable tête de gondole des psychoses.
- Mégalomanie : Votre femme ne comprend rien à rien, votre famille ne comprend rien à rien et les veaux se massent dans le métro au lieu de s’écarter sur votre passage. Tout cela vous agace de plus en plus. Vous prenez enfin le pouvoir, vous faites ériger des statues à votre effigie. Vous faites assassiner 10 % de la population. Ça va mieux en le faisant. Les veaux finissent par se révolter, vous imposent un jugement inique et vous condamnent à la mort. Quel grand artiste périt avec vous !
- Délire de persécution : Depuis quelques jours, vous entendez des bruits bizarres de tuyauterie qui viennent de chez le voisin. Assurément, le type est en train de comploter dans votre dos pour vous éliminer, sans doute parce que vous êtes en train de mettre au point un carburant révolutionnaire… Comment ça votre femme ne vous croit pas ! Elle doit être de mèche ! Comment ça ce type en blanc ne vous croit pas ? Ce doit être le chef du complot...
- Jalousie maladive : Vous allez à une fête qu’organise le meilleur ami homosexuel de votre petite amie. Incidemment, vous apprenez qu’il connaît son appartement. Bon sang mais c’est bien sûr ! Il n’est pas du tout homosexuel, il se tape votre copine dès que vous avez le dos tourné (quand vous retournez en prison) et le type, là, qui lui roule un patin, n’a pas encore compris à quel mystificateur il avait affaire ! Deux jours après, vous prenez rendez-vous avec le soi-disant homosexuel pour lui casser les genoux *.
- Érotomanie : En récupérant sa bouée dans l’eau, votre prof d’aquagym vous lance un regard équivoque… Tout à coup, tout devient clair ! Il vient de se marier pour protéger l’amour qu’il vous porte, le mettre à l’abri du temps et de l’usure. Vous ne pouvez pas en rester là : vous lui écrivez une lettre enflammée dans laquelle vous lui expliquez que vous avez tout compris et, devant ses dénégations – pauvre et naïf enfant ! –, vous passez la seconde et l’embrassez : mais puisque vous avez tout compris !
- Délire de revendication : Vous vous faites virer de votre boulot, parce que vous passez votre temps au téléphone à essayer de faire reconnaître votre bon droit et à écrire des courriers aux médecins, commissaires, maires, ministres, présidents, dieux, parce que vous avez tout compris et qu’il ne faut pas vous la faire.
Si le choix de la psychose vous tente mais que les différentes modalités de la paranoïa vous rebutent, demandez conseil à votre psychiatre.
Ainsi s’achève notre petit panorama – non exhaustif – des pathologies mentales. J’aurais pu également évoquer la mélancolie (le deuil sans objet), mais il vaut mieux attendre le retour à la mode des cheveux longs et des costumes en velours (pour les garçons) et des mitaines en dentelle (pour les filles). Qui plus est, tout le monde n’a pas la chance d’avoir une forêt primitive et une ruine customisée par Viollet-le-Duc dans son immédiat environnement…
Personnellement, j’hésite encore, mais j’espère avoir pu aider quelques internautes dans ce choix difficile.
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* : Anecdote véridique.