mardi 28 février 2012

Le bal des débutants

J’attendais cela avec un mélange d’impatience et d’appréhension. L’attente. Ils m’avaient tous dit que c’était inévitable – sans que je sache bien si c’était là vérité absolue ou juste un moyen de me préparer, au cas où. Impatience. Il me semblait que plus il se faisait attendre, plus ses effets seraient dévastateurs. Ce n’est pas ainsi qu’il faut voir les choses, je le sais bien, mais que voulez-vous : quand vous n’avez prise sur rien, il ne reste que la pensée magique. Appréhension. Faut-il le préciser ?
Première chose que j’ai dit à l’infirmier qui m’a téléphoné tout à l’heure pour me prévenir que la dernière biopsie, faite vendredi, signalait un petit rejet : « Pourtant, il n’y a pas eu d’oubli dans les prises ». Curieuse, cette syntaxe impersonnelle. À creuser. Quoi qu’il en soit, ça l’a fait un peu rigoler, et moi aussi, parce qu’on a dû penser la même chose : j’étais comme un gosse que l’on s’apprête à punir pour une bêtise qu’il n’a pas commise. « Bof, c’est souvent sans lien. » Je l’aime beaucoup cet infirmier. Il est drôle, il est intelligent. Je lui ai dit : « C’est de votre faute alors ! Il faut un coupable, ce sera vous. » On a rigolé tous les deux. J’étais encore au bureau, la nuit commençait à tomber. « Pour l’instant, on augmente les doses de Cellcept : vous passez à un gramme le matin, un gramme le soir. Venez mercredi pour qu’on fasse une prise de sang pour vos anticorps anti-HLA ». On a encore un peu plaisanté, puis j’ai raccroché. Peu après, j’ai croisé ma chef. Je lui ai dit que je ne serai pas là mercredi, que je viendrai jeudi à la place.
Quand même : j’avais une envie folle de me jeter sur les médicaments que j’ai dans mon sac, sans attendre 20 heures. Par réflexe un peu paniqué bien sûr, le bon vieux réflexe de : plus on attend, pire ce sera. Et pour en foutre tout de suite plein la gueule à ces leucocytes qui ont infiltré le greffon. Et puis c’est passé. Après, j’ai commencé à éprouver physiquement tout un tas de trucs bizarres, comme un syndrome a posteriori du rejet. Qui a dit : « hystérie de conversion » ?
Là, je me dis que j’appréhendais beaucoup ce premier rejet, tout en espérant secrètement faire partie de ceux qui n’en font jamais. Ou alors, si tout le monde en fait au moins un, être le premier à ne jamais en faire. Je pense que beaucoup de greffés ont ce fantasme. On le conserve, intact, le temps qu’on peut. Dans mon cas, 10 mois à peu près. Les signes physiologiques sont très variables d’un individu à l’autre, et ils sont si discrets, que lorsque vous vous en rendez compte tout seul, ça fait déjà un moment que le spectacle a commencé. À moins de vraiment bien vous connaître, mais là, il faut déjà en avoir fait plusieurs… Tout ça pour dire que je suis content d’en avoir fait un qui n’a débuté, vraisemblablement, que peu de temps avant les examens…
Ça va et ça vient comme les vagues, comme la marée : les sentiments contradictoires. Et puis je fais le malin, mais il est plus d’une heure du matin, et je n’ai pas envie de me coucher…

5 commentaires:

  1. oui, heureusement, il reste la pensée magique...

    sourires

    N'ayant plus le contrôle de rien, j'ai demandé à un elfe de prendre le relais. Jusqu'à présent il bosse bien.

    Un bouquet de bises tendresses. Prends soin de toi :)

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    1. Bouquet bien reçu !
      Confier le contrôle à un elfe... oui, c'est pas mal. Mais t'as jamais peur de marcher dessus ?
      Je t'embrasse aussi.

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    2. Oh non, l'Elfe est agile, rapide et joyeux :)

      Jamais il ne prendrait le risque de courir dans mes pieds et de me faire tomber ;)

      Si tu veux je t'envoie son p'tit frère, il est sympa aussi, tu verras :)

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    3. Attention: comme tu le dis dans ton billet précédant, il faut se méfier du faux-elfe !

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    4. > Caly : Dis-moi qu'il fait la vaisselle !
      > Calyste : Waouh ! Quel esprit vif !

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