lundi 9 décembre 2013

Rêves d'or, de Diego Quemada-Diez

C'est sans doute l'une des nombreuses ambitions et l'un des nombreux mérites de Rêves d'or, tourné chronologiquement et sur les pistes mêmes de l'immigration, que de vouloir être un hommage et d'y parvenir. 
Des gamins qui décident de partir avec des espoirs qui ne sont peut-être que l'avatar d'une bravade, des gamins qui ont le rire facile de l'enfance, des sentiments d'adulte pas bien clairs encore, et puis des rêves qui tournent évidemment au cauchemar à force de rencontres malfaisantes parmi les plus déshérités (les bandits de grand chemin qui rackettent, violent et tuent), parmi les plus riches aussi (les milices armées américaines qui les tirent comme des lapins - ça n'a pas beaucoup de valeur la vie d'un non-soi qu'on ne croise pas au temple le dimanche).
On aimerait parvenir à se dire que le trait est forcé, mais les témoignages sont connus (si on veut bien les lire) ; mais les chiffres des clandestins qui meurent existent ; mais en Europe, on a Lampedusa, qui est parfois un cimetière à ciel ouvert. 

On peut craindre pour notre confort supposément menacé, on peut raconter les pires dégueulasseries pour se faire élire, on peut dire - sans se faire cracher à la gueule - que les clandestins plombent notre système de santé et qu'on ferait mieux de les foutre à la mer, on peut raconter beaucoup de conneries, en fait, quand on est du bon côté du manche. Mais il y a des hommes, des femmes et des enfants qui, à chaque instant, en ce moment même, disent au revoir à leur famille et qui, pour certains, disparaitront sans que leurs proches ne le sachent jamais. La vie humaine peut atteindre un prix dérisoire quand on la spécule à la baisse. 

On peut toujours se contenter de croire que notre naissance du bon côté est un destin ou une récompense, une volonté divine ou un hasard heureux, une lourde responsabilité ou un c'est-comme-ça-et-on-n'-y-peut-rien (toutes ces considérations ayant été par ailleurs étudiées par les psycho-sociologues de l'attribution causale)... on doit au moins le respect aux clandestins. On le doit à chaque instant. Surtout, on doit exercer notre vigilance à l'encontre de tous les responsables politiques. On doit graver dans le marbre leurs déclarations infâmes à défaut de pouvoir les jeter sur les routes ou dans un bidonville afin qu'ils puissent expérimenter leurs théories sur le mérite.

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