vendredi 8 mai 2009

D'un visage revenu de nulle part

 

Je me suis réveillé le cœur détendu par un rêve de quelques secondes à peine, et qui ne m'a rien laissé des instants charmants que je venais de partager avec un jeune homme de 17 ans.
Dans le trajet brumeux du métro, mon regard courant de visage en visage, et Bach à mes oreilles pour donner un peu de tempérance aux minutes à tuer, dans les secousses de la ligne 8, dans les arrivées et les départs des visages inconnus, me sont revenus les linéaments d'un rêve plus ancien dont j'ai fini - regard concentré posé contre la vitre, respiration incertaine - par retrouver la moelle et la douceur. J'étais en week-end à la campagne chez une amie, allongé sur un de ces vieux lits étroits et mous, contre le torse blanc d'un tout jeune homme de 17 ans lui aussi. Il avait de beaux cheveux noirs et quelques mèches ciselaient irrégulièrement l'arrondi de son front. Je me souviens d'une chambre mansardée et du contact du papier peint abîmé et désuet : de minuscules fleurs bleues, serrées les unes contre les autres, sur un fond blanc crémeux. Je me souviens du danger - il était mineur - et de la tranquillité avec laquelle il envisageait l'entrée de notre hôtesse dans la pièce. On s'aimait, disait-il, ce qui suffisait à venir à bout de toutes les peurs, du moins dans les instants suspendus du bonheur de cette chambre. Il renonçait là, devant moi, au doute et à la peur, et le temps de la paix, du mystère de l'autre enfin levé, durerait mille ans. Je m'étais réveillé calme et doux, triste et seul. Étonné aussi : la jeunesse ne suscite en moi que peu d'émotions généralement.
Et j'ai emprunté les couloirs du métro. Ça sentait l'urine, la fatigue, les foyers abandonnés à regret, je dévisageais les hommes et les femmes à la grise mine, sur le point de renoncer au souvenir de ces deux rêves qui se faisaient écho à quelques mois.
Mais alors que je m'installais sur un siège de la ligne 1, détendant mes jambes, appuyant ma joue contre la vitre un peu tiède, est remonté à la surface, des tréfonds de ma mémoire, le souvenir un peu flou d'une scène souvent répétée alors que j'étais en terminale au lycée.
Entre deux cours, Caroline et moi avions l'habitude de nous installer un peu à l'écart des autres, sur un palier. Assis sur les marches poussiéreuses de l'escalier en bois, solitaire, mais à deux mètres seulement de nous, un jeune homme blond, d'un an plus jeune, restait là silencieux à nous regarder à la dérobée, écoutant peut-être ce que nous disions derrière son air un peu triste. Depuis notre bulle, nous n'avons jamais, je crois, songé à lui demander son prénom, ni même, évidemment, s'il voulait prendre part à nos conversations. Mais je sentais son regard et je connaissais la joliesse de ses traits, une belle peau blanche, un lointain cousin, peut-être, d'Hermann, Peter, Helga ou Hans. Et à 15 ans de distance, ma tête ploya sous la peine : la beauté croisée et qui laisse quelque chose d'une brûlure.

1 commentaire:



  1. Le décor et les personnages de ton rêve font furieusement 'Christopher Isherwood'. On pense à 'Another Country' , ou à 'Maurice'.

    Écrit par : Lancelot | 12 mai 2009
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    qui c'est sur la photo?

    Écrit par : Fayçal | 12 mai 2009
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    Ah ? Moi, j'ai pensé à '17 ans encore', parce que le chiffre revient souvent, lancinant.

    Écrit par : Ryan Erevan | 13 mai 2009
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    "Hermann, Peter, Helga ou Hans" m'ont décidé à laisser un mot. C'était bien joli tout de même, Gottingen...
    Alors bon...
    Excavation d'excavation!
    Après tout pourquoi pas.

    Écrit par : Ramdamboy | 18 novembre 2011
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    > Ramdamboy : Même mes nostalgies font l'objet d'une mise en abyme !
    > Les autres (mieux vaut tard que jamais)... : Désolé, je ne m'étais pas rendu compte que je n'avais pas réagi, à l'époque, à vos commentaires...

    Écrit par : christophe | 19 novembre 2011

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