samedi 14 juin 2008

De la Belgique

J'ai une infinie tendresse pour la Belgique. Il y a une dizaine d'années, j'y allais avec G. dès que l'occasion se présentait. Et avant la Belgique, il y avait Lille, comme la dernière étape avant la frontière, où nous aimions passer la soirée et une nuit - moi tout particulièrement puisqu'à chaque fois (ou presque), j'avais une aventure avec le jeune tenancier de l'hôtel assez miteux où nous descendions.

Bruxelles est une belle ville, cosmopolite - du moins à hauteur d'Europe -, la ville de Tintin et Milou, ce qui n'est pas rien. Mais de toutes les villes belges, Anvers (Antwerpen) avait notre préférence. Pourtant le premier contact avait été glacial : la ville avait résisté. Elle ne nous avait offert, spontanément, qu'un parking saturé de voitures. Plutôt retors. Nous avions décidé de ne rester qu'une heure. Quittant les abords du Schelde, nous nous étions tout de même un peu aventurés dans les petites rues, nous laissant conduire - au fur et à mesure, nos pas ralentissaient - de place en place à une terrasse de café. Ces quelques mètres avaient suffi à nous convaincre. Il faisait très beau, il y avait beaucoup de monde venu des quatre coins du pays, et d'un peu plus loin encore, pour l'inauguration d'une exposition consacrée aux peintres flamands. Après un long moment silencieux, nous avions compris que nous allions rester plusieurs jours, revenir encore et encore : certaines étapes de notre premier long week-end en Belgique ont ainsi été abandonnées, remises à plus tard.
Tout d'abord, Anvers est une ville portuaire, c'est-à-dire qu'elle offre la nuit, dans certains quartiers, les traces du passage d'un Querelle ou d'un Billy Bud. Bien entendu, le spectacle des prostituées dans leurs vitrines, toujours prêtes à taper au carreau est désolant : rien ne semble devoir changer de l'exploitation humaine. Et pourtant, il y a quelque chose, dans la concupiscence un peu inquiétante des marins de tous les pays, dans ces déambulations de hasard, dans ces cafés où les filles vous accostent, déterminées, de puissamment érotique.

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Le paysage sur l'autre rive du Schelde, à laquelle on accède par un long tunnel est extravagant : sur des dizaines de kilomètres de petites routes s'étend le port où tente de survivre l'activité industrielle du vieux continent ; des containers de toutes les couleurs s'entassent comme le jeu de construction d'un géant. Des grues, innombrables, des hangars à perte de vue, des bateaux vieillissants ou leur simple carcasse. Et au milieu de ce nulle part, un village égaré, ravissant. Nous avons traversé cette zone étrange, en voiture, par une matinée ensoleillée, en écoutant les remix de All is full of love. Image gravée à jamais...

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Anvers est également la ville des diamantaires. Dans un quartier, les boutiques proposent des diamants de toutes tailles, bruts ou montés en bijoux. Certains historiens de l'économie estiment que c'est à Anvers qu'est né le capitalisme. Des diamants du monde entier, arrachés à la terre, dans des conditions de travail épouvantables s'y échangent. Les Loubavitchs circulent d'un pas pressé.

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Les restaurants ne sont généralement pas bon marché en Belgique, alors comment ne pas évoquer Frituur no 1, non loin du Schelde, ses frites incroyables, des brochettes roulées dans un paprika parfumé...

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On dénonce souvent la xénophobie de la région d'Anvers, destinée en vrac aux Belges francophones et aux populations qui se sont échouées là, faut-il le rappeler, un peu par hasard. Elle est une réalité politique et statistique. La tentation du renfermement, d'une certaine cupidité moquée par Brel (Les Flamandes). Aimer une ville, en dépit de sa population, en dépit d'une certaine population qui fait bruyamment entendre son identité...

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