lundi 2 juin 2008

Du mois de juin

Enfant, deux mois solidement plantés sur la ligne d’un temps interminable et détendu aiguillaient le fil des jours. Le mois de décembre, qui marquait l’ultime ligne droite pointant tout entière vers Noël, et le mois de juin.

Le mois de juin parce que les beaux jours s’installaient durablement, l’occasion d’aller jouer dehors après le dîner, parce que les grandes vacances devenaient une réalité presque palpable, parce que, enfin, il s’agissait du mois où je fêtais mon anniversaire. Dans le jardin de mes parents, ma grande sœur nourrissait mes camarades de bonbons et de gâteaux : je revois les petites filles avec des robes blanches et de jolis nœuds dans les cheveux, et les petits garçons en polo et bermuda. À présent, le mois de juin – si le plus souvent toujours ensoleillé et doux (saison des pique-nique s’éternisant dans le soir) – est flanqué d’un caractère tout autre.
 
Parce que je sens dans mes poches le poids de la pelote de temps déjà enroulée. Mais pas seulement. Il est définitivement le mois de l’angoisse et de souvenirs un peu douloureux. Il est le mois des prises de sang, des radiographies du thorax et des scanners abdominopelviens. Le mois, tout à la fois de l’éloignement du danger et de la menace de la récidive. Le mois de la consultation hospitalière où, assis et guéri, je vois déambuler les malades de tous âges, la perfusion plantée dans la veine du bras ou dans le cathéter. Certains me regardent étrangement : je n’ai pas l’air malade, mes yeux ne sont pas enfoncés dans des orbites mauves. Mon embonpoint même est une offense. Je m’assois à leurs côtés. Je retrouve l’odeur si particulière des traitements. Je suis angoissé, je fais semblant de lire, incapable de me concentrer dans l’attente de mon tour, mais je me force à me montrer détendu. Je dois la force à tous ceux qui sont là.
 
D’années en années, le personnel change : les infirmières quittent le service, d’autres arrivent. Mon médecin vieillit un peu mais à peine plus qu’un membre de la famille.

Je suis pour l’heure dans la salle d’attente du centre de radiographie. Je viens de faire les clichés. Dans quelques instants, le médecin va m’accueillir dans son bureau, me demander ce qui m’amène ici et commenter les radios. C’est la première épreuve du mois de juin.

....

Elle est franchie avec succès.


Commentaires

Tu es comme un livre dont on découvre sans cesse de nouveaux chapitres, toi...
Et je dois avouer que, de celui que je viens de lire, c'est bien de loin la dernière ligne que je préfère....

Écrit par : lancelot | 03 juin 2008

J'ai beaucoup hésité avant de publier cette note parce qu'elle "m'engage". Il y a quelque chose d'une exhibition que je n'assume pas bien, qui verrouille, à cause de la pesanteur du sujet. Mais j'apprécie ton "courage" à déposer un commentaire.

Écrit par : christophe | 04 juin 2008

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