jeudi 22 mai 2008

Je me souviens V (fac)

Je me souviens de mes premières semaines à la fac et de mon sentiment de liberté.

Je me souviens d'avoir révisé mes cours de psychopathologie de l'enfant (le stade schizoparanoïde de Melanie Klein) à Sancerre où nous campions le temps d'un week-end, en famille, et de la réflexion d'une de mes tantes : « tu ne vas pas me faire croire qu'un bébé est autre chose qu'un tube digestif ! ».

Je me souviens des angoisses lisibles sur le visage de tous les étudiants à l'évocation des symptômes de la schizophrénie et des paroles rassurantes de l'enseignant amusé.

Je me souviens d'un job d'été à la piscine où je nettoyais les vestiaires, y compris ceux des femmes.

Je me souviens être sorti avec Caroline, rompant ainsi le cycle de nos amours platoniques.

Je me souviens de cette fameuse soirée, allongé sur mon lit où je tentais de faire comprendre à Hélène, sans trop en dire, que j'aimerais vraiment revoir son si sympathique copain gay.

Je me souviens d'avoir écouté à multiples reprises une chanson de Thiéfaine, Les Dingues et les Paumés.

Je me souviens d'avoir embrassé G., assis sur un tronc d'arbre, sur l'Île du Martin-pêcheur.

Je me souviens de mes angoisses, les premières fois, qui me portaient au bord de l'effondrement.

Je me souviens du café, rue Saint-André-des-Arts, où j'en ai parlé à Juliette, du bonheur que son regard encourageait.

Je me souviens de mes sorties de jeune homo, de mon sentiment de toute-puissance.

Je me souviens du départ de mon père.

Je me souviens du mien, pour l'aventure d'une collocation.

Je me souviens des voisins qui avaient tous signé une pétition pour qu'on quitte l'appartement.

Je me souviens de nos fêtes permanentes.

Je me souviens de cette inconnue mariée qui me téléphonait étrangement et m'avait envoyé de l'argent.

Je me souviens de mon arrivée à Jussieu.

Je me souviens de Marie Depussé.

Je me souviens de Yohanna, présentée par Juliette, de notre longue conversation autour d'une crêpe, de notre trouble devant l'évidence avec laquelle cette amitié s'imposait.

Je me souviens de ma première séparation douloureuse.

Je me souviens de la première fois que j'ai vu Alain, du rêve qui a suivi et qui sonnait comme une promesse infinie, et du nom que je lui donnais entre nous : le funambule.

Je me souviens de l'avoir appelé, quelques mois plus tard, pour qu'il me dise que j'avais raison de partir à Rennes retrouver un garçon rencontré peu de temps auparavant.

Je me souviens d'avoir abrégé le voyage.

Je me souviens d'avoir eu sincèrement peur d'être tombé sur un vrai psychopathe et d'y laisser ma peau.

Je me souviens de mon premier vrai travail et de ma démission avec fracas.

Je me souviens de nos nuits sans fin, avec Juliette et Pierre, chez Carmen.

Je me souviens du jeune travesti au délicieux accent toulousain qui m'avait dit, après m'avoir embrassé : « je suis aussi mignon en garçon qu'en fille, tu sais... »

Je me souviens de M. me demandant timidement s'il pouvait m'embrasser.

Je me souviens d'avoir cru que plus rien de bon ne m'arriverait jamais.

Je me souviens de mon cœur se serrant de peur et de désir au phare de Biarritz.

Je me souviens, le soir de mes vingt-cinq ans, d'avoir pensé à l'inquiétant rêve que j'avais fait étant petit, dans lequel on m'annonçait que j'allais mourir à vingt-quatre ans.

Je me souviens de la boule que j'ai sentie dans le creux de mon aisselle droite ce même soir.

Je me souviens de la tête de la femme du laboratoire qui m'a tendu mon bilan sanguin, et de sa question : « vous revoyez votre médecin très vite ? »

Je me souviens de la fête de la musique passée à la Pitié-Salpêtrière où des musiciens étaient venus distraire malades et infirmiers.

Je me souviens de m'être dit que, malgré les difficiles mois à venir, je ferais tout pour ne pas céder à la mise en scène complaisante du corps malade.

Je me souviens d'avoir échoué, parfois, notamment en me rasant la tête.

Je me souviens d'avoir été fier de ne pas devenir croyant.

Je me souviens de ma dernière soirée avec M., de trois doigts qu'il a serrés fort dans sa main.
 

Commentaires

Joss te dirait : quelle belle liste, on se sent ému en la parcourant...
Moi, j'en finis par me dire que c'est horriblement frustrant de lire tout ça sans pouvoir ouvrir les portes et savoir ce qu'il y a derrière !!! Il faudrait une note pour chacun des 'je me souviens'... Je sais, je suis trop exigeant... Mais j'avoue que je suis particulièrement alléché par l'histoire de "cette inconnue mariée qui me téléphonait étrangement et m'avait envoyé de l'argent".... Raaa ! J'en meurs de curiosité....
Écrit par : Lancelot | 23 mai 2008

:-) (pour la convocation de Joss)
Ce que tu me dis me donne envie d'en refaire une série - mais complètement inventée. Comme un autre possible. A creuser.
Pour la mystérieuse inconnue... oui, c'est une histoire assez amusante, d'autant que mon copain me faisait des scènes !
Écrit par : christophe | 24 mai 2008

Ah oui, une série complètement inventée serait sympa. Pour ce qui est de cette liste, j'aime beaucoup le passage d'un sentiment à l'autre (comme la vie d'ailleurs).
Le souvenir du travesti m'a fait rire^^ mais comme l'a dit "Lancelot", on a envie d'en savoir plus (je demande donc aussi une note pour chacun de ces "je me souviens" ah bah oui!).
Écrit par : Fayçal | 24 mai 2008

Aaaah oui, mais si c'est inventé, c'est plus pareil !!!! ça n'a plus trop d'intérêt justement.... enfin, à mon avis... Pas la peine de chercher à pousser la porte si l'on sait qu'il n'y a pas de réalité derrière...? On peut broder à l'infini, là :
"Je me souviens de ce jour où je m'étais caché dans un placard des vestiaires des rugbymen après leur match"
"Je me souviens de mes voisins qui élevaient des pythons dans leur appartement de 20 metres carrés"
"Je me souviens de ma petite soeur qui a réussi le concours d'entrée à l'ENA à 12 ans"
"Je me souviens de ma chambre dont le mur s'ornait d'un poster représentant un chimpanzé monté sur un tricycle jaune"
"Je me souviens de ma passion pour les gaufrettes fourrées à l'anchois et à la mirabelle..."
"Je me souviens de cet amant qui exigeait de me ligoter nu à un chêne centenaire, avant de revêtir sa combinaison de plongée pour me chatouiller l'anus avec une plume de paon..."
etc etc etc...
(je jure que tout est inventé, rien n'est vécu ! Surtout le dernier ! LOL)
;-))
Écrit par : Lancelot | 25 mai 2008

L'intérêt serait peut-être de simplement construire une histoire en creux, voir comment chacun peut la compléter, se l'approprier... Tenter de la rendre vraissemblable. Mais enfin, c'est curieux comme ça "perdrait de l'intérêt" à tes yeux, comme si la "vérité" apportait nécessairement une valeur ajoutée.
Quant au dernier item, c'est amusant car c'est exactement ce que je proposais autrefois à un amant (à quelques détails près)... ;-)
Écrit par : christophe | 27 mai 2008

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