jeudi 17 avril 2008

Du statut des objets II

Je me rends compte à présent que mon goût pour les objets reproduisant du son – les gramophones et les postes de radio – était lié en partie à mon autre goût (d’alors) pour la mécanique : je démontais tout ce qui passait entre mes mains. Seul le respect (et la colère de mes parents !) éprouvé à l’encontre des vieux appareils m’empêchait de les démembrer. Les vieux réveils, les magnétophones, tous cédaient sous l’obstination d’un tournevis (à noter que les appareils d’autrefois étaient plus faciles à démonter). Avec le recul, je crois que comme tous les enfants je cherchais à découvrir quelque chose de leur secret, de leur essence. La lecture de Simondon (Du mode d’existence des objets techniques) ou celle de Mumford (Civilisation et Technique) tend à présent à me convaincre qu’il s’agit là d’un rapport assez naturel de l’homme à l’objet qu’on dit technique. De par leur nature (plus que par leur complexité d’ailleurs), quelque chose de l’objet (technique ou non) tend à se soustraire à l’homme. Cela pose évidemment la question du rapport que l’on (comprenez l’homme mais aussi soi plus particulièrement) entretient avec l’objet technique ou l’objet en général.
Chacun a pu éprouver la duplicité des uns et des autres : les appareils qui ne fonctionnent plus puis fonctionnent à nouveau soudainement, les objets qui se cachent, etc. Parfois, la responsabilité humaine dans ces dysfonctionnements est tellement évidente, que l’on est bien en peine de soutenir le caractère retors ou – osons le mot – magique de l’objet dysfonctionnel. Parfois encore, il paraît insupportable que l’interlocuteur, à qui l’on explique nos mésaventures, marque le doute. Les informaticiens, dans leur naïveté, dans leur soumission totale aux merveilles de la technique croient régler le problème en évoquant, non sans humour, des dysfonctionnements de l’« interface chaise/clavier »… Mais je me souviens d’un prof d’informatique (lors d’une initiation à l’université) expliquant que l’on était en droit de poser toute sorte de gris-gris à proximité de l’ordinateur : ce n’était pas inutile.

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