mardi 31 mai 2011

Journal d'hospitalisation III

Fin mars

Après environ trois semaines strictement passées allongé sur mon lit, dans l’interdiction de plier les jambes, l’une parce qu’y est posé un cathéter fémoral, l’autre à cause du ballon de contre-pression, je me vois autorisé, non pas à me déplacer, mais, l’un et l’autre m’étant ôtés, à me laisser couler dans le fauteuil attenant au lit : le processus de sevrage commence et avec lui l’espoir de noter une reprise un peu plus soutenue de mon ventricule gauche : le cœur ne peut fabriquer que très peu de cellules cardiaques et il le fait à une vitesse dérisoire qui plus est, mais les médecins s’estiment en droit d’espérer que les cellules du ventricule ne sont pas toutes définitivement détruites, mais pour quelques-unes au moins, « sidérées », magnifique terme, étrange, qui évoque l'animal immobile devant les phares de voiture, mais l’alchimie également [...].
Dans le fauteuil, je me sens mieux, non pas que les forces reviennent. Faire ma toilette est toujours aussi long, parce qu’épuisant : ma fréquence cardiaque, déjà à 120 lorsque je suis allongé, prend 15 ou 20 points et ma saturation tombe. Je lave mon visage. Pause. Mes bras. Longue pause…
Mais dans le fauteuil où j’essaie de rester le plus longtemps possible, je me sens mieux, parce qu’il est plus facile pour moi d’y croire à la guérison, parce que je respire un peu mieux surtout.
On m’y laissera une semaine environ, tout en diminuant progressivement l’oxygène que je reçois en permanence : de six litres, je passe à cinq, puis à quatre… sans parvenir à descendre en dessous de deux, et il faut l’augmenter dès que l’on me couche, même avec le lit incliné à 45° : une infirmière de nuit en a fait l’expérience, croyant pouvoir remettre mon lit à l’horizontale pendant que je dormais, elle a débarqué en courant dans ma chambre tant ma saturation était en train de s’effondrer.
Pareil : le dosage de dobutamine, injectée en continue par seringue électrique est progressivement réduit et si je ne ressens pas d’amélioration spectaculaire, ces tentatives me réconfortent.
Oui mais. Oui mais ma tension s’effondre encore et ma pression systolique ne dépasse plus 9 et se rapproche parfois du 8 : on me recolle au lit.
Les difficultés respiratoires s’aggravent encore : on me réveille maintenant la nuit pour la VNI, les échographies ne montrent aucune amélioration et, surtout, on augmente presque quotidiennement la dose de dobutamine, au point qu’elle est maintenant supérieure à celle que je recevais initialement. Les reins résistent plutôt bien, de même que le foie, mais je me sens tout de même lentement m’enfoncer : mon ironie s’émousse, je respire de plus en plus mal et je devine l’inquiétude grandissante sur le visage des médecins. Le mot greffe – entendu pour la première fois au début de mon séjour, puis mystérieusement absenté – ce mot-là revient avec une insistance plus ou moins grande selon les médecins, d’autres persistant à me dire que l’on retentera un sevrage plus tard, mais revient tout de même de plus en plus souvent : même Olivier, l’infirmier du matin, me demande comment je vis cette possibilité de plus en plus vraisemblable, si j’ai déjà rencontré la coordinatrice des greffes, etc.

1 commentaire:



  1. À 23h28 (heure de publication), j'étais avec l'infirmière, dans le couloir. Il est maintenant 7h50, je suis rentré depuis 1/2 heure et je poursuis, à travers toi, ce qui émeut ou interroge dans ce cadre.
    Je note, par exemple, la "maladresse" de celle qui a cru bon te sevrer de la position "semi-assise", au risque évident de faire chuter la saturation, considéré les signes cliniques pas au top d'après ton témoignage. Avait-elle trop personnellement jugé ta position inconfortable ? Était-ce une remplaçante qu'on aura missionnée là telle que la Fonction Publique sait les échanger sans leur laisser le temps de s'adapter à la spécialisation ? Inhabituée à de jeunes patients aura-t-elle cru que tu résisterais mieux ?
    Chaque fois que, lors des tours de surveillance nocturne, j'ouvre la porte d'une chambre, mille questions et paramètres m'assaillent malgré l'année (contractuel chanceux que je suis) passée dans le même service.
    J’abrège ici mon commentaire ; le regard que tu proposes éveille ma prolixité.

    Écrit par : Kab-Aod | 01 juin 2011
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    Oh, je ne lui en veux pas du tout : elle devait être polyvalente et pas complètement habituée effectivement. Incliné comme je l'étais, elle a dû trouver que j'avais l'air d'une vieille poupée de chiffon écroulée dans le bas du lit ! :-)

    Écrit par : christophe | 01 juin 2011

    je me souviens parfaitement de tous ces moments et de l'épisode de désaturation! je les vivais de mon côté, je demandais des nouvelles à toi mais aussi à Julieta (la pauvre elle m'a eue plusieurs fois hyper inquiète et plusieurs messages complètement fous!) quand je voulais pas t'ennuyer avec toutes mes questions et avoir un autre avis de peur que tu veuilles me protéger en ne me disant pas tout!!! gros bisous et vite au dodo!! crevée et la tête qui déménage grave!!

    Écrit par : Juliette | 01 juin 2011
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    il fallait que je te vois, même si pas autant que je l'aurais aimé vu les problèmes pour venir, pour savoir, et sonder ton regard!! je savais ainsi si tu allais bien ou non...!

    Écrit par : Juliette | 01 juin 2011
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    tu peux rien me cacher ;-) lol!! (heu bon, j'exagère!!!) bises d'une folle dingue (ravie de partir un mois en bretagne!)

    Écrit par : Juliette | 02 juin 2011
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    Allons bon ! Me voilà lu comme un livre ouvert !
    :-)

    Écrit par : christophe | 03 juin 2011

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