lundi 12 mai 2008

Je me souviens III (collège)


Je me souviens que j'ai perdu de vue la plupart de mes copains de l'école primaire, éparpillés dans tous les collèges de la région.

Je me souviens des coupons qu'il fallait découper le matin et le soir pour les donner à l'intransigeant – et somme toute assez crétin – chauffeur de car.

Je me souviens de la prof d'allemand, de sa drôle de tête en forme de poire et de ce qu'elle braillait parfois à mon copain Stéphane : « Du schläfst ! »

Je me souviens de la réflexion de Béatrice (« Oh, les bébés ! ») parce que, un des tout premiers jours de sixième, je jouais au chat avec un copain. Je me souviens ne plus y avoir joué dès lors.

Je me souviens de la prof de physique psychorigide qui avait exigé un cahier à spirales pour pouvoir arracher hystériquement les feuilles si on n'avait pas sauté trois lignes et laissé six carreaux d'espace avant d'écrire le titre.

Je me souviens de la prof de français un peu niaise en sixième que j'ai retrouvée des années après pour les cours de latin.

Je me souviens du prof d'histoire qui mettait parfois une corde à la place de sa ceinture.

Je me souviens d'un voyage scolaire dans le Périgord, de la comédie que faisaient P.-B. et E., amoureux en froid, des efforts des profs accompagnateurs pour les réconcilier, de P.-B. menaçant de se suicider en se jetant dans un ru et du sérieux outré que l'on mettait dans tout ça.

Je me souviens d'une retraite dans un couvent (!), de l'arbre devant lequel, près du cimetière des bonnes sœurs, E. et moi sommes tombés à genoux, choisissant, entre plusieurs puissances possibles, celle de la végétation.

Je me souviens du 45 tours Nothing gonna change my love for you, que ma cousine Sophie m'avait offert pour ma communion.

Je me souviens que ma mère prenait tout ça très au sérieux : essayage d'aubes, répétitions, etc., laissant libre cours à ses élans mystiques un peu délirants.

Je me souviens de confes'.

Je me souviens que P.-B. m'a « puni », pour une remarque qu'il n'avait pas appréciée, en m'isolant du groupe que nous formions avec d'autres moutons autour de sa petite personne.

Je me souviens d'avoir été traité de pédé par C. à cause d'une œillade sans doute plus explicite pour lui que pour moi.

Je me souviens d'avoir été profondément malheureux cette année-là, d'avoir éprouvé dans toutes ses nuances le sentiment de honte.

Je me souviens d'une extraordinaire prof' de français en troisième qui m'a donné envie d'être psychologue, qui m'a aidé, peut-être, à mettre un peu de distance.

Je me souviens de m'être fait agresser par cinq six garçons plus âgés dans une rue discrète et d'avoir défendu coûte que coûte (malgré le coup de boule un peu malheureux de l'un d'entre eux, finalement tombé sur le cul, et la lacrymo) le Walkman que ma sœur m'avait prêté.

Je me souviens du ravissement dans lequel me plongeait la vue de deux copains de classe, redoublants.

Je me souviens d'une boum assez inintéressante chez une camarade de classe et du débat pour savoir comment nous appellerions cela (boum ? soirée ?).

Je me souviens d'avoir perdu en un été le poids excédentaire que j'avais patiemment emmagasiné depuis la sixième : je quittais le collège.
Je me souviens de ma déterminante rencontre avec Juliette, une amie plus âgée de ma cousine, qui n'a cessé de m'accompagner depuis.

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