jeudi 8 mai 2008

Des retrouvailles


Retrouvailles. Ce matin, O. dort encore, Paris est ensoleillée. Coup de fil à mon directeur de thèse. « Avez-vous eu le temps de bien la lire ? » « J’ai bien survolé ». Il faudra que je m’en contente et tant mieux : la journée est trop belle pour que je me livre pieds et poings liés aux angoisses universitaires. Rendez-vous est pris pour un dîner jeudi prochain. « S’il fait beau, on essaiera de se trouver une terrasse. » J’aimerais bien aller chez Bichi, si son restaurant existe toujours. 
Je croise ma gardienne dans l’ascenseur qui vient de nourrir les chats du huitième. « Il faut bien s’entraider ». Je lui explique qu’une amie anglaise, à qui je vais sans doute laisser mon appartement un de ces soirs, glissera les clés dans la fente de la porte de sa loge le lendemain matin. « On manque de grosses pierres sous lesquelles cacher les clés ». En disant cela, je pense à la statue de l’éphèbe qui orne l’entrée du sauna tout proche. Mais il est insoulevable. 
Je traverse le passage des Panoramas. Le gentil monsieur du restaurant indien passe un coup de balai devant son établissement. Quelques boutiques, cafés, sont sur le point d’ouvrir mais avec une indolence reposante. Un peu de monde sur le boulevard. Les touristes traînent leur plaisir, la carte à la main. Au moins, depuis que la station Rue Montmartre a été rebaptisée Grands Boulevards, ne s’attendent-ils plus à être aux pieds de la butte à la sortie du métro. 
Je flâne dans le passage Jouffroy, puis dans le passage Verdeau. Je repère un ouvrage anglais sur le constructivisme russe. Il faudra que je repasse un jour d’ouverture. 
Je m’installe rue Cadet pour boire un café, ouvre un carnet, un peu perturbé par la conversation animée de bobos qui évoquent des problèmes d’appartements de 180 m2. Un petit vieux rabougri, inquiétant au volant de sa voiture, peine à monter la rue soudain surélevée d’un demi-centimètre. Ça fait un peu peur : le moteur de sa voiture pourtant pas vieille fait un bruit de tous les diables. Il est immatriculé dans les Hauts-de-Seine. Est-il vraiment venu seul jusque-là ? Il a l’air de ne même plus avoir la force d’appuyer sur l’accélérateur, ce qui est par contre plutôt rassurant. Peut-être a-t-il fait une fugue… 
Retrouvailles chaleureuses avec Paris qui n’est pas, qui n’est pas toujours, comme on le dit parfois, ce monstre froid. Certes, on peut y être parfaitement anonyme et seul sans troubler qui que ce soit. Pour peu que l’on se sente abandonné, la solitude de ces milliers d’individualités abîmées – les petits vieux, les hommes et les femmes de tous âges, d’ici ou d’ailleurs – vous saute au visage et vous visserait volontiers les genoux dans l’asphalte. Mais aujourd’hui, grâce au beau temps peut-être, tout semble momentanément et assez honteusement apaisé.
Commentaires 
Cette note me fait un peu penser à "Ulysses" de Joyce, où les pensées de Leopold Bloom vagabondent en même temps que ses déambulations dans Dublin...
J'aime ce Paris que tu décris, celui où il fait soleil et l'on regarde les gens depuis une terrasse de café..
Écrit par : Andesmas | 11 mai 2008
Ah Joyce... je crois me souvenir que V. Woolf était plutôt opposée à ce que Léonard le publie... Quant à Karl Radek, il vitupérait le « tas de fumier où s’agitent des vers, fixé à l’aide d’un appareil de prise de vue, à travers un microscope »
Comme quoi, même les grandes dames peuvent se tromper et les membres du Komintern dire des conneries ! ;-)
Plus sérieusement... merci pour tes encouragements.
Écrit par : christophe | 14 mai 2008

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