vendredi 25 janvier 2013

Je leur en veux

Je leur en veux pour toute cette rage qui grandit en moi. Je la sens au rythme de mon cœur, je la sais aux élans de brutalité qui me traversent l’esprit, et s’attardent, et m’éloignent tant celui que je souhaite être. 
Pris un par un, ces gens ne sont sans doute pas tous détestables, mais ce patchwork qui rassemble les courants les plus nauséabonds, cet œcuménisme de l’obscurantisme, tout cela est révoltant. Sont-ce les mêmes qui s’opposent aux campagnes ciblées contre le sida ? à l’éducation sexuelle dans les écoles ? Et eux qui craignent le pire hypothétique, qui nous aiment bien mais…, qui ne sont pas homophobes mais…, qui sortent leurs calicots tous les trente ans, que pensent-ils du pire qui se produit vraiment : les discriminations, les brutalités, le lynchage ? Ailleurs, les condamnations à mort. Que pensent-ils du viol collectif des lesbiennes en Afrique du Sud ?
J’aimerais pouvoir me contenter d’un haussement d’épaules et penser qu’ils sont sans doute plus bêtes que méchants. Mais que la Boutin soit cette fois un peu ringardisée (sa médiatisation relève presque de l’acharnement thérapeutique) et qu’une nouvelle pasionaria de bénitier se soit imposée (qui suscite en moi le même sentiment d’imposture), laquelle croit rajeunir le mouvement en adoptant un look à la Vicky Pollard, n’y changent pas grand-chose : tout comme à l’époque du pacs, leurs arguments demeurent bien souvent de simples analogies invérifiables. Qu’ils les braillent n’y fera rien. Mais que les arguments soient imbéciles ne les rend pas moins insupportables. 
Le mariage est une invention humaine. À ce titre, on en fait bien ce que l’on veut. Qu’il ait été inspiré, dans nos contrées, par une religion, ne le rend pas intouchable – il faudrait revoir bien des avancées du code de la famille pour revenir aux enseignements de l’Ancien Testament. Que l’on tente de nous faire croire que faire évoluer le mariage serait la porte ouverte au chaos est un procès d’intention tout à fait spécieux. Un nouveau droit n’est pas une conquête infinie : il est balisé par d’autres droits et des interdits. Pour utiliser à mon tour une analogie, ce serait comme prétendre que le droit à l’avortement porte en lui le droit à l’infanticide, au meurtre, au « gérontocide » ! La société n’est jamais que ce que l’on en fait. Faut vraiment être du bon côté du manche pour la souhaiter immuable. 
Ils ne nous veulent pas du mal, disent-ils. Peut-être. Certains ont même de très bons amis homosexuels – mot qui semble devoir qualifier les pédés sages, au contraire des gays. Certains sont même prêts à réinventer le pacs pour nous balancer un os à ronger. Ils ne nous veulent peut-être pas de mal, mais une chose est sûre : ils ne nous veulent pas du bien. Et je leur crache leur condescendance à la gueule. 
Ils ne parviendront plus à me faire vaciller. Je ne suis plus l’adolescent qui interrogeait l’eau glacée coulant entre les piliers du pont ; mais je pense aux plus jeunes, aux déjà abîmés, aux plus fragilisés qui se prennent cette nouvelle violence symbolique dans la gueule. Quand elle n’est que symbolique. Et l’on sait que si ce projet devait capoter, ce serait comme une invitation au pire. 
Je ne dois pas le respect aux anti-. Je m'en affranchis. Je ne leur nuis pas, c’est suffisant. C’est déjà beaucoup même. Je ne leur dois pas la pédagogie, la patience, l’argumentaire : je ne suis pas éducateur de dinosaures. 
Sans doute serais-je plus serein si je savais pouvoir faire une confiance aveugle aux députés de la majorité. Seulement voilà, j’ai le très mauvais souvenir de leur désaffection lors du premier vote du pacs. On n’est jamais à l’abri de députés qui aimeraient bien, mais n’peuvent point, à cause de toutes ces tomates qu’ils risquent de se prendre sur la gueule, les jours de marché, dans leur circonscription.Si un poignard est planté dans le dos, ça va mal aller.

6 commentaires:

  1. Je suis d'accord, même si je ne ressens pas la chose de façon aussi violente (ce qui est sans doute normal). Personnellement, je souhaite qu'on en finisse le plus vite possible pour que les anti aillent enfin bouder dans leur coin en silence, un silence dont ils n'auraient jamais dû sortir. Seulement, nombre de journalistes les ont monté en épingles pour mettre de l'ambiance. Et du coup, le spectaculaire, la médiocrité ont largement pris le dessus sur l'intelligence et le raisonnement. Il ne devrait strictement rien avoir à redire sur le mariage au sens strict. En revanche, il y aurait des débats intéressants sur la paternité, l'adoption, la PMA à avoir. J'ai lu et entendu des choses qui ne me laissent pas un avis tranché. Je suis favorable à l'adoption dans toutes les configurations, mais pour le reste, je ne sais pas.

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    1. Je comprends qu'il puisse y avoir débat sur certains aspects de la filiation - mais que l'on n'oublie jamais que l'on est dans une société humaine élaborée et non à l'état de nature. Après tout, l'Humanité a déjà produit à peu près toutes les configurations familiales... La Terre n'est pas devenue ronde lorsque l'Eglise l'a admis.
      Enfin bref, je ne vais pas refaire le débat ici.
      Ce que je ne supporte pas, c'est que l'orientation sexuelle hétérosexuelle transforme n'importe quel imbécile en spécialiste auto-proclamé. En outre, les trolls de forums n'ont plus aucun filtre. Encore une fois, j'ai la colère à ma disposition. Ce n'est pas le cas de tous.

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  2. J'aime cette façon de légitimer le droit d'en vouloir.

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  3. Moi aussi... je suis très en colère.
    Et je retourne une part de colère contre moi, parce que vraiment, très sincèrement, je ne pensais pas qu'"on en était encore là".
    LOVE.

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    1. Oui, on en est encore là. Et finalement, quand je me sens plus calme (c'est-à-dire à peu près éreinté, ce soir, en rentrant du taf'), je me dis qu'il s'agit avant tout d'un dernier soubresault pathétique - ce qui n'empêche pas de vouloir sortir la machine à claques.
      Tu retournes la colère contre toi parce que tu te juges, rétrospectivement, naïve ?

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